Chris Seydou (1949-1994) a été un pionnier dans la promotion des créateurs de mode africains sur la scène internationale. Il a créé des vêtements qui s'inspiraient de ses racines au Mali, en Afrique de l'Ouest, mais ses créations ont échappé à la catégorisation pure et simple comme étant africaines et ont prises une ampleur mondiale.
Seydou est bien connu pour ses adaptations de tissu africains, notamment le tissu bogolan du Mali, à la haute couture. Ses pantalons à fond transparent, ses vestes de moto et ses minijupes étroites faites de tissus typiquement africains ont fait sensation au Mali et ont attiré l'attention sur son travail à l'étranger.
Les créations de Seydou ont été publiées dans de nombreux magazines de mode français, allemands, ivoiriens, sénégalais et maliens. Il a exposé ses créations en Europe et en Afrique, et a travaillé avec des créateurs de renommée internationale, notamment Paco Rabanne et Yves Saint Laurent.
La vie de Chris Seydou
Chris Seydou est né Seydou Nourou Doumbia le 18 mai 1949 à Kati, une petite ville centrée autour d'une base militaire à quarante kilomètres au nord de Bamako, la capitale du Mali. La mère de Seydou travaillait comme brodeuse, il s'est donc familiarisé très tôt à l’univers du commerce de vêtements.
Sa mère possédait des exemplaires de magazines de mode européens qui impressionnaient beaucoup Seydou ; il était fasciné par les photos de femmes élégantes dans de beaux vêtements.
Il a quitté l'école pour poursuivre son intérêt pour la mode à quinze ans. En 1965, sa famille l'a mis en apprentissage chez un tailleur local. En 1968, Seydou s'installe à Ouagadougou au Burkina Faso (alors appelée Haute-Volta), et l'année suivante, il s'installe dans la ville cosmopolite d'Abidjan en Côte d'Ivoire. Il a changé de nom lorsqu'il a commencé sa carrière professionnelle, adoptant le nom de "Chris" en hommage à Christian Dior, dont le travail a eu une grande influence sur son développement précoce. Il a gardé le nom "Seydou" afin de conserver une partie du nom que sa famille lui avait donné, créant ainsi un nom professionnel combinant les influences européennes et africaines qui sont apparentes dans son travail.
Abidjan était à l'avant-garde de la création de mode africaine en 1969, et Seydou a connu un grand succès dans la ville, en créant des vêtements pour de nombreuses femmes riches et influentes d'Abidjan. Seydou a ensuite passé sept ans à Paris à partir de 1972, où il a étudié la couture européenne. Il a rencontré d'autres artistes et designers africains à Paris, avec lesquels il a organisé la Fédération Africaine de Prêt à Porter, une association qui cherche à promouvoir les designers africains sur le marché international. Seydou a également été l'un des trois fondateurs de la Fédération Internationale de la Mode Africaine, qui continue à fournir un important forum pour les créateurs africains. Seydou a constaté que son travail plaisait aux femmes africaines qui recherchaient des vêtements fabriqués selon "la mode occidentale" et que les femmes européennes appréciaient son "exotisme". Comme l'explique Seydou, ces femmes n'achetaient pas ses œuvres parce qu'il était africain, mais parce qu'il "apportait une sensibilité africaine" à ses créations.
Seydou est retourné dans son pays natal en 1990. Il est venu à Bamako à la recherche de ses origines, des vraies traditions africaines. Il s'est particulièrement intéressé au bogolan ou bogolanfini, un textile de coton traditionnellement fabriqué pour des fonctions rituelles dans les zones rurales du Mali, et connu sous le nom de mudcloth sur les marchés nord-américains.
Transformer les traditions
Le travail de Seydou avec le bogolan et d'autres textiles indigènes illustre l'équilibre entre la tradition locale et les marchés mondiaux qui caractérise le travail de nombreux créateurs non occidentaux. Seydou s'est attaché à rendre les tissus maliens pertinents pour la mode contemporaine plutôt qu'à préserver les traditions locales. Pourtant, la signification culturelle des textiles a façonné ses méthodes, comme l'illustre son travail avec le bogolan. Seydou a édité, modifié ou abandonné certains aspects du tissu tout en en préservant d'autres.
"Je suis un designer contemporain qui sait ce que je peux faire techniquement et comment le faire. Le Bogolan peut simplement être une base culturelle pour mon travail" (Seydou en 1993).
L'une des principales modifications apportées par Seydou au bogolan concernait la densité de ses dessins, car le tissu incorpore habituellement une variété de motifs distincts. Couper et assembler un vêtement à partir de ce tissu était extrêmement difficile pour Seydou, car il n'y a pas deux parties d'un même tissu qui soient identiques. Seydou s'est adapté en commandant ses propres versions de bogolan, en isolant un seul motif dans un processus qu'il a appelé "décodage" du tissu. Seydou a également exprimé sa réticence à couper et à adapter des tissus ornés de motifs symboliques, par respect pour la signification rituelle du tissu dans le contexte du Mali rural :
"Pour moi, c'était symbolique. Pour moi, je ne voulais pas couper le bogolan au début ; il était difficile d'y mettre mes ciseaux". (Seydou, 1993).
Parmi les projets les plus populaires et les plus influents de Seydou concernant le bogolan, on peut citer sa collaboration en 1990 avec l'Industrie Textile du Mali, une entreprise de fabrication de textiles à Bamako, pour laquelle il a conçu un tissu inspiré du bogolan qui a été imprimé et vendu en 1990-1991. La mort de Seydou en 1994, à l'âge de 45 ans, a eu de fortes répercussions dans le monde de la mode, de l'art et de la culture populaire dans toute l'Afrique de l'Ouest et au-delà. Il est considéré par beaucoup comme le père de la création de mode africaine.
L’impact de Chris Seydou sur la mode Africaine
Les journalistes d'Afrique et d'Europe ont reconnu le rôle de Seydou comme ambassadeur entre les mondes de la mode africaine et occidentale.
Il a bafoué toutes les conventions, montrant des bogolans transformés en mini-jupes ou en bustiers, en gros bérets ou en manteaux amples et même en costume ajusté porté par la femme du président Alpha Oumar Konaré, pour l'ouverture d'un festival du film à Marseille en 1993.
À travers ses créations, le Mali s'est fait mieux connaître dans ses valeurs culturelles à travers le monde, jusqu'en Amérique où les Noirs américains font aujourd'hui du bogolan une source d'identification culturelle.
Chris Seydou en fut le premier artisan, faisant naître une génération de stylistes de haut niveau, tous visionnaires d'une Afrique renaissante. Plus que quiconque, il a contribué à donner aux hommes et aux femmes africains une nouvelle façon de penser, de voir les choses, et a inspiré de nombreux designers et modèles à viser encore plus haut.
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